Et voilà, la greffe a eu lieu mercredi ! Maman n'est plus tout à fait la même maintenant ;-)
C'est un moment très fort pour nous, même si le moment est plutôt symbolique. Le plus dur (et le plus long) reste à venir...
La moelle osseuse est donc un tissu qui se trouve à l'intérieur des os et où sont fabriqués les cellules du sang (globules rouges, globules blancs, plaquettes). A cause de la leucémie, la moelle osseuse de Maman continue à fabriquer ces cellules mais les cellules produites ne sont pas opérationnelles. Les traitements de chimiothérapie ont détruit la moelle osseuse malade et l'équipe médicale a fait le choix d'une transplantation allogénique, c'est-à-dire avec donneur. C'est une greffe assez rare, moins de 1.000 greffes par an en France parce que les chances sont rares de trouver un donneur compatible (1/4 parmi les frères et soeurs, 1/1 million dans la population générale...). Dans la plupart des cas de greffe, on prélève la moelle osseuse du patient avant le début des traitements par chimio et on lui réimplante sa propre moelle ensuite. Dans le cas de Maman, la moelle osseuse était trop atteinte.
Philippe a été "choisi" parmi les frères et soeurs de Maman qui se sont proposés comme donneurs parce qu'après examens, il est celui dont le système HLA était le plus compatible.
Le système HLA est le système qui permet au corps et à son système immunitaire de reconnaître le "soi" (tissus, sang..) du "non-soi" (virus, bactéries... et greffes). Ainsi, tout corps étranger ou cellule qui ne présentent pas les bons marqueurs HLA se fait attaquer par le système immunitaire. Les codes HLA du donneur et du receveur doivent donc être les plus proches possibles, afin de permettre aux cellules transplantées de prendre place dans le corps du receveur sans déclencher de réaction de rejet.
Philippe a été prélevé par cytaphérèse, sans intervention chirurgicale. Depuis plusieurs jours, il a reçu un traitement a base de facteurs de croissance, qui a notamment pour effet d'augmenter le nombre de cellules souches de moelle osseuse et de les faire passer dans le sang. La cytaphérèse est une technique de prélèvement qui ressemble au don de plasma ou de plaquettes : on prélève le sang dans un bras, une centrifugeuse garde les cellules souches et les autres constituantes du sang sont rendues au donneur par l'autre bras. Le prélèvement dure trois heures environ.
La greffe en elle-même est assez simple, dure deux heures et se fait par perfusion, par laquelle Maman a reçu les cellules prélevées sur Philippe. Papa est resté près de Maman pendant ces deux heures, si émouvantes ! Avant cette greffe, le corps de Maman a été conditionné et sa moelle malade a été complètement détruite.
Les cellules greffées vont progressivement prendre place dans les os pour reconstituer tout le tissu de la moelle osseuse et reprendre la fabrication des cellules du sang. Celle-ci n'intervient, normalement, qu'une trentaine de jours environ après la greffe. Les défenses immunitaires ne sont reconstituées que plusieurs mois après la greffe. C'est la raison pour laquelle Maman va rester hospitalisée en chambre stérile deux mois environ et que le retour à la maison s'accompagne de mesures d'hygiène strictes (alimentation, désinfection, limitation des visites, des sorties, interdiction des lieux publics...) pendant toute la durée du traitement immunosuppresseur (qui se compte en mois, voire en années..).
Tous les trente jours au début, de façon plus éloignée ensuite, on prélèvera la nouvelle moelle osseuse de Maman pour faire un chimérisme, c'est-à-dire une mesure du taux de cellules d'origine de Maman par rapport au taux de nouvelles cellules. Le but du jeu étant, bien sûr, que le taux de nouvelles cellules soit le plus élevé possible (au moins 90%)...
Pendant qu'elle est en aplasie, c'est-à-dire sans système immunitaire, Maman est exposée au risques habituels d'infection mais la complication la plus fréquente et la plus grave après la greffe est la maladie du greffon contre l'hôte (GVH). Cette maladie est provoquée par les cellules du donneur qui rejettent l'organisme du receveur, le considérant comme "étranger". L'organisme du receveur est quant à lui incapable de les rejeter puisque son système de défense a été détruit. Pour faire simple, ce n'est pas le corps qui rejette le greffon mais le greffon qui rejette le corps dans lequel il a été installé...
Quand cette GVH intervient dans les 100 jours qui suivent la greffe, on parle de GVH aigüe. On utilise le terme de chronique quand elle intervient au-delà. Même chronique, la maladie n'est pas régulière et peut apparaître de façon sporadique et imprévisible.
La GVH touche plus particulièrement certains organes ; la peau, le tube digestif, le foie, la vésicule biliaire (ah ah, de ce point de vue, on est tranquille ;-)) et les poumons.
Afin de limiter les risques de rejet, Maman a démarré depuis le troisième jour avant la greffe un traitement immunosuppresseur qui a pour but de "baisser la garde" du système immunitaire de l'organisme. Ces médicaments sont nombreux et s'ajoutent aux autres traitements antibiotiques, antifongiques, antiviraux. Maman devra, une fois de retour à la maison, avaler une trentaine de comprimés par jour :-/
Les immunosuppresseurs administrés à Maman pour préparer la greffe comportaient notamment un sérum antilymphocytaire de lapin (oui, oui, de lapin !) à l'injection duquel Maman a fait une réaction allergique. (Pas la peine de parler de Bugs Bunny, Peter Rabbit et Cie en ce moment ;-)). Les effets secondaires de ces traitements ne sont pas négligeables et le suivi médical est donc très régulier pendant toute leur durée. Quatre ans près une allogreffe, le taux de survie est de 50% (ce qui représente un progrès quand on se rappelle qu'au tout début de son traitement, les médecins nous avaient dit que Maman avait une chance sur cinq d'atteindre le stade de la rémission !).
Le troisième grand risque, avec les infections et la GVH, est la rechute. Dans la très grande majorité des cas, la maladie réapparait dans la première année après la greffe. Les chances de survie sont alors faibles.On parle de guérison après 5 ans et c'est l'objectif qu'on s'est fixé, of course !
Un grand merci à ceux qui auront lu tout ce que j'ai raconté jusqu'au bout ;-) et surtout à tous ceux qui ont prié pour Maman, nous ont envoyé un petit mot ou un message, tout particulièrement mercredi.
A nous tous, on forme une belle équipe !
Merci.
Edit du 17 janvier 2013 :
271 ml, si peu et pourtant tellement...
Et les prénoms des donneur et receveur.
On aime bien cette petite étiquette nous ;-)