Jeudi 31 janvier 2013.

Encore une montagne de franchie ! Maman a courageusement fait face à la mucite si douloureuse et en sort enfin... Quelques douleurs encore (un peu comme une angine quand elle déglutit) mais elle peut parler normalement et, depuis quatre-cinq jours, remange un petit peu. Essentiellement des crèmes à la vanille, des compotes, du doux, sucré et facile à avaler. On déplore encore quelques allers-retours, l'estomac un peu "rancunier" suite à la dizaine de jours de diète totale ayant du mal à reprendre ses bonnes habitudes, et le goût des aliments se révélant quelques fois... bizarre, mais en amélioration quand même ! 

Toutefois, les montagnes étant rarement isolées mais se présentant souvent en chaîne, Maman a contracté depuis quelques jours un virus, le cytomégalovirus (CMV) pour être précise, qui est anodin chez Monsieur et Madame Toulemonde mais qu'il ne faut surtout surtout pas attraper quand on est enceinte ou en aplasie. Anne-Charlotte l'avait attrapé enceinte de Moïse. Maman l'attrape en aplasie. Voilà voilà.

Ce virus appartient à la même famille que la varicelle ou le zona, et explique donc très probablement les plaques apparues un peu partout sur Maman, plaques qui chatouillent, gratouillent, démangent, voire grattent carrément... Maman est donc sous anti-viral mais on n'est plus à un médicament près !

Du côté des bonnes nouvelles, le taux de globules blancs grimpe, grimpe... Et a passé la merveilleuse barre des 1.200 globules blancs par millimètre cube de sang... Seuil indispensable à toute sortie de la chambre stérile. On commence donc à envisager le retour à la maison ! Alleluia !

Merci, une fois encore, de votre fidèle soutien. Votre présence, vos messages constants, vos prières jointes aux nôtres ne cessent de nous réconforter. Merci beaucoup.


Edit du 1er février 2013 : On ne fait qu'envisager le retour à la maison, Maman a de la fièvre depuis ce matin...






Lundi 21 janvier 2013.

Ces derniers jours ont été très pénibles pour Maman, qui souffre depuis une semaine d'une mucite buccale sévère, une inflammation des muqueuses de la bouche. Cette infection est fréquente après une chimiothérapie, mais Maman avait jusqu'ici été épargnée. Cette fois, les soins de bouche pourtant réguliers n'ont pas suffi... 

Les cellules des muqueuses, et particulièrement celles de la bouche, sont des cellules qui se reproduisent rapidement et sont donc très sensibles à l'action de la chimiothérapie, ce traitement ayant justement pour effet de détruire les cellules qui se reproduisent rapidement, sans faire le tri entre cellules cancéreuses et cellules saines... Par ailleurs, lorsque le nombre de globules blancs diminue, la muqueuse a moins de défense contre les germes qui sont naturellement présents dans la bouche et devient donc plus sensibles aux infections.  Le traitement de radiothérapie que Maman a reçu avant la greffe peut avoir aussi augmenté les risques d'infection, les radiations passant au niveau de la tête détruisant un certain nombre de cellules de la muqueuse de la bouche.

C'est un effet secondaire particulièrement désagréable, d'autant que Maman est atteinte au stade le plus grave (on ne fait jamais rien à moitié dans cette famille...), avec aphtes, ulcères, douleur intolérable, impossibilité de manger, de boire, de parler. Maman est donc sous morphine et nourrie par perfusion. Comme à chaque infection alors que Maman est toujours en aplasie profonde, le risque d'une septicémie n'est pas écarté...

Mais depuis hier soir, elle va un peu mieux et peut même de nouveau parler (ce qui moralement, compte beaucoup beaucoup dans notre échelle de valeurs ;-)). Elle a depuis ce matin rallumé son ordinateur, et revient vous lire. Vous savez ce qui vous reste à faire les amis...
Des bises !







Greffée !

Et voilà, la greffe a eu lieu mercredi ! Maman n'est plus tout à fait la même maintenant ;-)
C'est un moment très fort pour nous, même si le moment est plutôt symbolique. Le plus dur (et le plus long) reste à venir...



Cette greffe de moelle osseuse est la grande étape du traitement d'intensification.

La moelle osseuse est donc un tissu qui se trouve à l'intérieur des os et où sont fabriqués les cellules du sang (globules rouges, globules blancs, plaquettes). A cause de la leucémie, la moelle osseuse de Maman continue à fabriquer ces cellules mais les cellules produites ne sont pas opérationnelles. Les traitements de chimiothérapie ont détruit la moelle osseuse malade et l'équipe médicale a fait le choix d'une transplantation allogénique, c'est-à-dire avec donneur. C'est une greffe assez rare, moins de 1.000 greffes par an en France parce que les chances sont rares de trouver un donneur compatible (1/4 parmi les frères et soeurs, 1/1 million dans la population générale...). Dans la plupart des cas de greffe, on prélève la moelle osseuse du patient avant le début des traitements par chimio et on lui réimplante sa propre moelle ensuite. Dans le cas de Maman, la moelle osseuse était trop atteinte.

Philippe a été "choisi" parmi les frères et soeurs de Maman qui se sont proposés comme donneurs parce qu'après examens, il est celui dont le système HLA était le plus compatible. 
Le système HLA est le système qui permet au corps et à son système immunitaire de reconnaître le "soi" (tissus, sang..) du "non-soi" (virus, bactéries... et greffes). Ainsi, tout corps étranger ou cellule qui ne présentent pas les bons marqueurs HLA se fait attaquer par le système immunitaire. Les codes HLA du donneur et du receveur doivent donc être les plus proches possibles, afin de permettre aux cellules transplantées de prendre place dans le corps du receveur sans déclencher de réaction de rejet.

Philippe a été prélevé par cytaphérèse, sans intervention chirurgicale. Depuis plusieurs jours, il a reçu un traitement a base de facteurs de croissance, qui a notamment pour effet d'augmenter le nombre de cellules souches de moelle osseuse et de les faire passer dans le sang. La cytaphérèse est une technique de prélèvement qui ressemble au don de plasma ou de plaquettes : on prélève le sang dans un bras, une centrifugeuse garde les cellules souches et les autres constituantes du sang sont rendues au donneur par l'autre bras. Le prélèvement dure trois heures environ.

La greffe en elle-même est assez simple, dure deux heures et se fait par perfusion, par laquelle Maman a reçu les cellules prélevées sur Philippe. Papa est resté près de Maman pendant ces deux heures, si émouvantes ! Avant cette greffe, le corps de Maman a été conditionné et sa moelle malade a été complètement détruite.
Les cellules greffées vont progressivement prendre place dans les os pour reconstituer tout le tissu de la moelle osseuse et reprendre la fabrication des cellules du sang. Celle-ci n'intervient, normalement, qu'une trentaine de jours environ après la greffe. Les défenses immunitaires ne sont reconstituées que plusieurs mois après la greffe. C'est la raison pour laquelle Maman va rester hospitalisée en chambre stérile deux mois environ et que le retour à la maison s'accompagne de mesures d'hygiène strictes (alimentation, désinfection, limitation des visites, des sorties, interdiction des lieux publics...) pendant toute la durée du traitement immunosuppresseur (qui se compte en mois, voire en années..).

Tous les trente jours au début, de façon plus éloignée ensuite, on prélèvera la nouvelle moelle osseuse de Maman pour faire un chimérisme, c'est-à-dire une mesure du taux de cellules d'origine de Maman par rapport au taux de nouvelles cellules. Le but du jeu étant, bien sûr, que le taux de nouvelles cellules soit le plus élevé possible (au moins 90%)...

Pendant qu'elle est en aplasie, c'est-à-dire sans système immunitaire, Maman est exposée au risques habituels d'infection mais la complication la plus fréquente et la plus grave après la greffe est la maladie du greffon contre l'hôte (GVH). Cette maladie est provoquée par les cellules du donneur qui rejettent l'organisme du receveur, le considérant comme "étranger". L'organisme du receveur est quant à lui incapable de les rejeter puisque son système de défense a été détruit. Pour faire simple, ce n'est pas le corps qui rejette le greffon mais le greffon qui rejette le corps dans lequel il a été installé... 
Quand cette GVH intervient dans les 100 jours qui suivent la greffe, on parle de GVH aigüe. On utilise le terme de chronique quand elle intervient au-delà. Même chronique, la maladie n'est pas régulière et peut apparaître de façon sporadique et imprévisible.
La GVH touche plus particulièrement certains organes ; la peau, le tube digestif, le foie, la vésicule biliaire (ah ah, de ce point de vue, on est tranquille ;-)) et les poumons.

Afin de limiter les risques de rejet, Maman a démarré depuis le troisième jour avant la greffe un traitement immunosuppresseur qui a pour but de "baisser la garde" du système immunitaire de l'organisme. Ces médicaments sont nombreux et s'ajoutent aux autres traitements antibiotiques, antifongiques, antiviraux. Maman devra, une fois de retour à la maison, avaler une trentaine de comprimés par jour :-/
Les immunosuppresseurs administrés à Maman pour préparer la greffe comportaient notamment un sérum antilymphocytaire de lapin (oui, oui, de lapin !) à l'injection duquel Maman a fait une réaction allergique. (Pas la peine de parler de Bugs Bunny, Peter Rabbit et Cie en ce moment ;-)). Les effets secondaires de ces traitements ne sont pas négligeables et le suivi médical est donc très régulier pendant toute leur durée. Quatre ans près une allogreffe, le taux de survie est de 50% (ce qui représente un progrès quand on se rappelle qu'au tout début de son traitement, les médecins nous avaient dit que Maman avait une chance sur cinq d'atteindre le stade de la rémission !).

Le troisième grand risque, avec les infections et la GVH, est la rechute. Dans la très grande majorité des cas, la maladie réapparait dans la première année après la greffe. Les chances de survie sont alors faibles.On parle de guérison après 5 ans et c'est l'objectif qu'on s'est fixé, of course !


Un grand merci à ceux qui auront lu tout ce que j'ai raconté jusqu'au bout ;-) et surtout à tous ceux qui ont prié pour Maman, nous ont envoyé un petit mot ou un message, tout particulièrement mercredi.
A nous tous, on forme une belle équipe !

Merci.


Edit du 17 janvier 2013 :
271 ml, si peu et pourtant tellement...
Et les prénoms des donneur et receveur.
On aime bien cette petite étiquette nous ;-)




Vendredi 4 janvier 2013.

L'année 2013 commence fort fort ! Comme à Noël, nous avons dansé les douze coups de minuit tous ensemble ; Laëtitia, Jean-Christophe et Laura ayant fait la surprise de rejoindre le reste de la bande en Vendée et nos globe-trotteurs prenant le temps de rester un peu près de Maman avant de s'envoler pour l'Asie... C'est donc tous réunis que nous vous souhaitons une treize heureuse et belle nouvelle année ! Quant à nous, vous devinez sans peine notre unique voeu pour les douze prochains mois ;-)

Après ces agapes en famille, Maman a rejoint sa petite bulle stérile depuis le 2 janvier, escortée par Anne-Charlotte et moi. Commence la grande étape de la greffe, si cruciale et déterminante. Si longue aussi...

Maman a démarré depuis hier le "conditionnement", consistant en une grosse cure de chimio qui va détruire toutes les cellules de sa moelle osseuse afin de permettre aux nouvelles cellules souches provenant du donneur de s'implanter. Consistant également en la mise en route du traitement immuno-suppresseur et des traitements anti-infections habituels (anti-bactéries, anti-champignons, anti-virus), la cure de chimio ayant pour effet, comme les autres fois, de mettre Maman en aplasie profonde et donc de la rendre très sensible aux infections. Ces deux derniers traitements vont durer plusieurs mois après la greffe et s'accompagnent de mesures d'hygiène particulièrement restrictives et strictes.

Je ne manquerai pas de vous en dire plus très vite sur cette greffe de moelle osseuse ou, pour être plus précise, sur cette allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Je vous sens déjà passionnés...

Mais à vous de jouer maintenant ! Maman vous lit avec plaisir et impatience ;-)
Soyez assurés de nos prières et de notre affection ! Portez-vous bien !





 




Psssst ; même Stéphan Eicher ne résiste pas au sourire de Maman... et en a fait une chanson !
Vous ne me croyez pas ? Ecoutez bien les paroles alors...

Des kilos d'emmerdements
La nuit est tombée dedans tellement de fois
C'était dur mais pourtant, dans ton sein, au coin du lit parfois


Je t'ai vu sourire, je t'ai vu sourire

Je t'ai vu déserter une armée de manchots
Je t'ai vu leur dire non et puis tu avais raison
Car toi tu les aimais, tu les aimais vraiment, tu les aimais vraiment

Et je les ai vus sourire, et je les ai vus sourire
Je les ai vus sourire, sourire

Puis je t'ai vu dire que t'y étais pour rien
Que tout cet amour là ce n'était pas le tien
Toi qui les avais guéris de tant de maladies, de tant de maladies

Quand ils t'ont vu sourire, quand ils t'ont vu sourire, sourire
Quand ils t'ont vu sourire, quand ils t'ont vu sourire, sourire


Des kilos d'emmerdement
Mais j'en fais peu de cas 
En te voyant ...sourire


Alors, elle n'est pas faite exactement pour Maman cette chanson ;-)?